Hybrid Theory a déjà démontré son caractère intemporel. Si Linkin Park n’a jamais réussi à retrouver la portée de son classique par la suite, la formation californienne n’a pas démérité. Meteora contenait suffisamment de tubes pour satisfaire le public, Minutes To Midnight diversifiait le spectre sonore du groupe alors que les deux albums suivants troquaient le hard rock pour des influences électroniques pas complètement maîtrisées (euphémisme). The Hunting Party est le disque que l’on attendait après Minutes To Midnight. Il s’amuse avec le son Linkin Park mais, contrairement aux errances interminables d’A Thousand Suns, à aucun moment on a l’impression d’avoir perdu la patte de Chester Bennington et compagnie.
Mieux, avec les premières notes de Keys To The Kingdom on croit qu’elle s’est entièrement réinventée. Avec son avalanche de notes schizophrènes, l’ouvreur frappe fort grâce à sa combinaison improbable de refrain violent et de couplets aériens. Le duo Bennington-Shinoda fonctionne sans accroc comme aux premiers jours. Les deux morceaux suivants ne relâchent pas la pression. On se retrouve projeté à l’époque d’Hybrid Theory, Linkin Park ayant seulement troqué sa véhémence pour une écriture plus fine et nuancée. War est aisément le titre le plus brut du groupe à ce jour. Son approche punk et sa production granulée étonnent. Pourtant, placée proche du milieu de l’album, cette piste représente une sorte de césure entre deux faces disparates.
Car lorsque la première moitié rivalise d’ingéniosité pour rallumer la flamme, la seconde partie de The Hunting Party cumule les ratés. Le single Until It’s Gone se fait remarquer par l’absence d’élément moteur : pas de refrain, pas de riff, pas de mélodie, juste une orchestration horripilante et un rythme lancinant à peine bon pour servir de toile de fond à une bande annonce de film d’action. Mark The Graves n’est pas aussi déplorable mais ce titre faussement enlevé sonne comme une redite aussi évidente que le phrasé de Mike Shinoda. Quant à Tom Morello (Rage Against The Machine) et Daron Malakian (System Of A Down), deux invités dont on pouvait attendre beaucoup, ils ne font pas grand chose sur deux des plus mauvais extraits du CD, Drawbar et Rebellion.
A l’inverse, Guilty All The Same comprend toutes les évolutions sur lesquelles peut désormais s’appuyer Linkin Park. Une synthèse soundscapes / metal avec l’utilisation aussi bien du piano que de guitares en fer forgé. Le refrain préserve une mélodie typiquement « parkienne » alors que le final, qui laisse s’exprimer Rakim, le meilleur guest sur ces sessions, est surprenant de lourdeur rythmique. Une impeccable vitrine du savoir-faire perfectionné en quinze ans de carrière. Wastelands et l’ambitieux A Line In The Sand figurent aussi parmi les temps forts.
Peu de groupes ont été capables de maintenir un tel niveau de popularité en quinze ans. Linkin Park a indéniablement un talent exceptionnel. S’il n’a pas toujours été utilisé à bon escient, The Hunting Party marque un nouveau tournant, annonciateur de bonnes années à venir.
Line-up :
Rob Bourdon (batterie)
Brad Delson (guitare)
Dave Farrell "Phoenix" (basse)
Joe Hahn "Mr. Hahn" (DJ)
Mike Shinoda (chant)
Chester Bennington (chant)
Discographie :
Hybrid Theory (2000)
Meteora (2003)
Minutes to Midnight (2007)
A Thousand Suns (2010)
Living Things (2012)
The Hunting Party (2014)
Tracklist de The Hunting Party (en gras les morceaux essentiels) :
1. Keys to the Kingdom
2. All for Nothing (featuring Page Hamilton)
3. Guilty All the Same (featuring Rakim)
4. The Summoning
5. War
6. Wastelands
7. Until It's Gone
8. Rebellion (featuring Daron Malakian)
9. Mark the Graves
10. Drawbar (featuring Tom Morello)
11. Final Masquerade
12. A Line in the Sand
Linkin Park – The Hunting Party
Warner Bros.
www.linkinpark.com