Depuis ses débuts, Liars a toujours été un groupe à atmosphères, voire mieux : un groupe à albums. Il se dégage systématiquement quelque chose de l'ensemble de ses disques qui dépasse ses parties constitutives. Après avoir légèrement changé sa formule sur son album éponyme, le trio revient à ses forces premières sur le ténébreux Sisterworld. Les amateurs pourront le découvrir dans un packaging somptueux contenant notamment un disque bonus avec l'album entièrement remixé par des pointures comme Thom Yorke, les Melvins ou Devendra Banhart.
Sisterworld représente l'exemple typique du disque sombre et urbain. Comme si les membres de TV On The Radio conceptualisaient musicalement un roman d'Hubert Selby Jr avec tout ce que cela comprend comme entorses à la morale et portraits psychologiques déséquilibrés. On obtient une alternance maladive de passages profondément violents (« Scarecrows On A Killer Slant », « The Overachievers ») avec d'autres plus intrusifs et malicieux (« Drip », « Proud Evolution »). Mais les seconds finissent toujours par se transformer en les premiers et vice-versa. Musicalement, les deux styles oppressent et stressent de la même façon, faisant de l'endroit dépeint sur Sisterworld un lieu nerveux et hostile où les guitares rageuses guettent toujours loin.
Parfois, comme sur « I Still Can See An Outside World » ou « Drop Dead », les deux styles s'entremêlent sans que l'on sache réellement si l'on est bercé ou agressé. Assurément, Liars possède le savoir faire d'un réalisateur de films et parvient à faire vivre sa musique à tous ceux qui acceptent de pénétrer dans son univers. Les parties calmes flirtent parfois un peu de trop près avec le remplissage mais les écoutes répétées leur donnent une saveur inespérée.
En effet, comme tout secret bien gardé, Liars rebute à prime abord. Il faut dire qu'il n'y a chez eux rien de formaté. Même les influences new wave se trouvent métamorphosées et changées. Elles servent surtout, comme les orchestrations omniprésentes, à jouer sur les variations de teintes de gris que Liars nous propose. Et que dire de « The Overachievers » où l'on jurerait entendre une version zombifiée des Ramones ? Un riff d'outre-tombe répété et martelé avec l'insistance des Bad Seeds, un chant où l'on ne décèle aucune humanité et des paroles totalement désinhibées : voilà la recette de cet excellent morceau, le seul du lot qui ressemble de loin à un single.
Liars apprend avec Sisterworld l'importance des détails. Ce sont eux les seuls responsables de la qualité de l'ensemble. Ils se frayent, chacun à leur tour, un chemin dans le cerveau jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment nombreux pour en prendre la commande. Ce cinquième opus des New Yorkais fonctionne comme un virus dont on ne veut pas guérir. S'il y a toujours une chose attirante dans l'obscurité, Liars l'a bien compris et ce depuis longtemps. Mais il n'a jamais été aussi proche de nous la montrer. Elle dispose même d'un nom : Sisterworld.
Line-up :
Angus Andrew (chant, guitare)
Aaron Hemphill (guitare, claviers, percussions)
Julian Gross (batterie)
Tracklist de Sisterworld (en gras les morceaux essentiels) :
1. Scissor 3:39
2. No Barrier Fun 2:58
3. Here Comes All the People 3:28
4. Drip 4:15
5. Scarecrows on a Killer Slant 4:15
6. I Still Can See an Outside World 3:14
7. Proud Evolution 5:03
8. Drop Dead 3:37
9. The Overachievers 3:16
10. Goodnight Everything 4:33
11. Too Much, Too Much 3:59
Discographie :
They Threw Us All in a Trench and Stuck a Monument on Top (2001) -
They Were Wrong, So We Drowned (2004)
Drum's Not Dead (2006)
Liars (2007)
Sisterworld (2010)
Liars – Sisterworld
Mute Records
www.liarsliarsliars.com
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