Le metal progressif est sans doute un des genres les plus difficiles à appréhender pour un nouveau groupe. D'une part il sous-entend qu'il aille s'aventurer sur des territoires inconnus alors que de l'autre il le force à rentrer dans le carcan façonné par Rush et Dream Theater. On trouve ainsi des centaines de formations déployant un niveau technique très honorable au service de compositions aussi insipides que répétitives. Les exceptions sont rares et, généralement, elles se démarquent en cassant les codes, comme Between The Buried And Me. Les Anglais d'Haken ont pour leur part attaqué le problème frontalement mais ont réussi à se s'extirper par le haut. Un exploit sans précédent depuis l'heure de gloire de Threshold.
Haken avait déjà fait parler de lui, en particulier avec The Mountain en 2013. Trois ans après, sa carrière s’apprête à prendre une toute autre tournure grâce à Affinity, un LP d’une heure que l’on serait bien mal inspiré de ne pas adopter immédiatement. Il faut une sacrée dose d’inspiration pour parvenir à composer un album aussi passionnant sans pourtant apporter une once de nouveauté au genre. Haken se fixe un cap, ou plutôt un concept, et, tel un monstre de régularité, ne dévie pas de son objectif. Chaque titre tourne autour de phrases mélodiques de premier choix auxquelles se rattachent des parties instrumentales plus ou moins longues, plus ou moins déconstruites, mais toujours fascinantes.
Avec sa thématique rétro, on n’est pas surpris de retrouver plein de claviers vintage. Mais au lieu d’irriter par leur aspect gadget, comme sur un album récent de Dream Theater, ils contribuent réellement à l’ambiance recherchée. Sur l’intro et la première partie instrumentales de The Architect on croit avoir retrouvé le groupe américain au meilleur de sa forme. Il s’agit toutefois bel et bien de Haken qui, non content d’imiter et de dépasser les maîtres, développe sur les dix minutes suivantes un tour de force qu’aucune comparaison avec d’autres groupes ne viendra ternir. Les différentes parties s’imbriquent merveilleusement bien. Elles évoquent avec grande subtilité toutes les décennies du rock prog’ et permettent aussi aux six Londoniens de lâcher des rythmiques étonnamment heavy.
Lapse et Earthrise sont pour leur part plus proches de la pop de stade. Et là, surprise encore, ça fonctionne, un peu comme sur l’album de dredg, The Pariah, the Parrot, the Delusion. Haken, irréprochable musicalement, peine légèrement dans les moments les plus axés sur le chant. Ross Jennings ne transcende pas ses lignes vocales. Si son style fonctionne plutôt convenablement dans les couplets, les refrains manquent généralement de finesse. Bound By Gravity, le moment le plus à fleur à peau de l’album, réclamait une interprétation plus incarnée. Malgré ce "handicap", l’harmonie claviers / guitare dans cette ballade file des frissons. Comme dernière composition de l’album, elle met un point final à une montagne russe émotionnelle.
Il reste une marge de progression à Haken ce qui est assez effrayant compte tenu de la qualité hors normes d’Affinity dont les écoutes répétées ne sauraient entamer l’enthousiasme. Au contraire, comme tout bon disque progressif, il gagne en profondeur au fil du temps passé en sa compagnie. Cela pourra peut-être décontenancer les fans des disques précédents, tous plus immédiats mais aussi plus friables. En l’état, Affinity devrait avoir la portée suffisante pour rassembler sous un même toit des porteurs de T-shirts aussi éclectiques que Riverside, Meshuggah, Dream Theater, Leprous ou encore Pendragon.
Discographie :
Aquarius (2010)
Visions (2011)
The Mountain (2013)
Affinity (2016)
Tracklist de Affinity (en gras les morceaux essentiels) :
1. Affinity.exe 1:24
2. Initiate 4:16
3. 1985 9:09
4. Lapse 4:44
5. The Architect 15:40
6. Earthrise 4:48
7. Red Giant 6:06
8. The Endless Knot 5:50
9. Bound by Gravity 9:29
Haken - Affinity
Inside Out Music
www.hakenmusic.com
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