Deftones ne lâche rien !

Depuis que ce groupe originaire de Sacramento a commencé à sortir des albums, il n'a cessé de gagner en maturité. Auteur d'un des tout meilleurs disques de néo metal, White Pony (2000), Deftones a pu réaliser ses ambitions les plus démesurées grâce en grande partie à la stabilité de son line-up, inchangé depuis sa formation. Mais, fin 2008, le bassiste Chi Cheng se retrouve impliqué dans un violent accident de voiture et depuis il reste dans un coma semi-conscient. Du coup, Deftones a enrôlé (provisoirement ?) Sergio Vega, un ex-Quicksand et ami du quintette, pour tenir la basse et enregistrer Diamond Eyes, notre sujet du jour.

Lorsque Chi Cheng passe à travers le pare brise de sa voiture, Deftones est depuis un an en pleine conception d'Eros, un disque annoncé comme extrêmement heavy, violent et différent de ce qu'on connaissait de la bande à Chino Moreno. Bref, du Deftones en pleine expansion. Mais, ne pouvant plus compter sur leur bassiste, les américains décidèrent de composer un nouvel album, plus proche de leur état d'esprit du moment. Il en résulte Diamond Eyes, un disque relativement atmosphérique et se voulant positif dans les messages qu’il livre. Ce Deftones v.6 n'ouvre pas de nouvelles portes car il est uniquement constitué d'éléments déjà familiers mais depuis White Pony on n'a pas entendu le groupe s'exprimer de façon si éthérée et délicatement progressive sur toute la longueur d'un album.

Les vocaux si particuliers de Chino Moreno se prêtent merveilleusement à ce positionnement, lui qui sait se montrer doux comme un agneau avant de lâcher, dans la foulée, quelques cris irréels (Diamond Eyes, Rocket Skates, Royal). Cette identité vocale combinée aux nappes de claviers/samples de Frank Delgado créent une richesse sonore inimitable. Pas étonnant que 99% de la scène néo ait disparu et que les auteurs de My Own Summer (Shove It) soient toujours là, plus forts que jamais. Pour ne rien gâcher, Deftones prend une tournure plus vivante et chaude sur des titres comme Sextape, 976-EVIL, CMND/CTRL ou Beauty School ce qui devrait plaire aux nombreuses personnes leur reprochant leur froideur clinique.



On retrouve tout de même la noirceur menaçante du groupe au détour de quelques riffs bien sentis ou sur le terrifiant You've Seen The Butcher, nouvelle preuve qu’une chanson calme et entièrement chantée peut secouer l’auditeur bien plus durement qu’une avalanche de BPM et de grognements gutturaux. Car, tout le long de Diamond Eyes, on sent les compositions habitées. C’est ce qui les rend intrigantes et permet de compenser un manque de technique dans les parties de claviers et de guitare. Pourtant, au vu du travail réalisé par Stephen Carpenter, on pourra difficilement accuser le guitariste d’être un élément jetable de la formation californienne. Son massif, rythmiques agiles et versatilité imprévisible : Carpenter ne s’est jamais fait remarquer par ses leads shreddés mais, tout comme Peter Buck dans un genre opposé, il est toujours parvenu à se mettre au service de son groupe sans jamais perdre son identité.

Objectivement, il n’y a pas grand-chose à redire à Diamond Eyes. Seules les circonstances de sa conception et de sa sortie font rager les éternels insatisfaits. En effet, à l’écoute de cette sixième rondelle, on ne peut s’empêcher de penser à Eros : « quelles différences y aurait-il eu ? », « Deftones aurait-il encore la niaque pour faire un disque direct sans fioriture ? », « quel apport aurait eu Chi Cheng ? »… Diamond Eyes souffrira toujours de cette comparaison, surtout si Eros voit finalement le jour et le relègue à un rôle de parenthèse dans la discographie du groupe. Raison de plus pour profiter pleinement de ce disque riche ayant su apprendre des erreurs de Saturday Night Wrist pour laisser éclater son succès.

Line-up :
Stephen Carpenter (guitare)
Abe Cunningham (batterie)
Frank Delgado (claviers+DJ)
Chino Moreno (chant+guitare)
Sergio Vega (basse)

Discographie :
Adrenaline (1995)
Around the Fur (1997)
White Pony (2000)
Deftones (2003)
Saturday Night Wrist (2006)
Diamond Eyes (2010)


Tracklisting de Diamond Eyes (en gras les morceaux essentiels) :
1. Diamond Eyes – 3:08
2. Royal – 3:32
3. CMND/CTRL – 2:25
4. You've Seen the Butcher – 3:31
5. Beauty School – 4:47
6. Prince – 3:36
7. Rocket Skates – 4:14
8. Sextape – 4:01
9. Risk – 3:38
10. 976–EVIL – 4:32
11. This Place Is Death – 3:48


Deftones – Diamond Eyes
Reprise
www.deftones.com