On avait laissé Bon Iver en 2011 avec un des meilleurs albums de l'année. Cinq ans plus tard, le collectif mené par Justin Vernon virevolte en dopant son folk par de multiples influences électroniques. La musique s'en trouve métamorphosée sur la forme mais préserve son attache émotionnelle sur le fond. Toutes proportions gardées, on n'avait plus entendu une telle prise de risque stylistique chez un groupe d’une aussi grande notoriété depuis Radiohead et Kid A en 2000...
Justin Vernon a attiré l'attention internationale il y a bientôt dix ans grâce à une musique confectionnée dans le confort intime d'une ruralité américaine digne des sessions musicales du film Captain Fantastic. Aujourd'hui, ses envies sont ailleurs, cela est compréhensible. 22, A Million le voit triturer ses racines sous des tonnes de programmations. A l'écoute, il semble toujours tout seul mais il paraît aussi quelque peu désorienté. Les synthétiseurs, les samples ainsi que les effets vocaux et électroniques règnent en maîtres. Plus souvent qu'ils ne le devraient, ils prennent le pas sur la musique et tuent une grande partie des ambitions dans l'œuf.
Pourtant, les choses commencent très bien. 22 (OVER S∞∞N), en poussant plus loin l'ampleur des arrangements, est la suite logique du précédent album. Le chant est malaxé mais répond intelligemment à une musique perdue entre une guitare pure et des transmissions interceptées sur une radio extraterrestre. L'ensemble est à la fois novateur et évident, tant il déroule son propos avec une conviction simple.
La suite se complique. Elle accumule des exemples si différents que se faire un avis général est périlleux. 715 – CRΣΣKS fait penser aux plus mauvaises pistes de 808s & Heartbreak. On peut saluer la prise de risques, tout comme la continuité avec Woods, la dernière piste de Blood Bank, mais on doit surtout dénoncer le rendu atroce de cette plage, totalement dénuée d'objet, qui ne « vit » que par ses effets, désagréables de surcroît. Heureusement, quelques minutes plus tard, une piste extrêmement conventionnelle, 8 (circle), ravira les fans d'une musique poignante sans artifices superflus, à l’opposé de ce que laissent transparaître les titres des morceaux, à la fois pédants et enfantins.
Comme sur la fin de 29 #Strafford APTS ou 21 M♢♢N WATER, les chansons semblent souvent lutter contre elles-mêmes. Fragiles, elles ne possèdent pas le charme frêle du folk introspectif mais plutôt une approximation constante qui fait hésiter la ligne directrice de l'album. On sent chez Vernon une lassitude de sa forme privilégiée d'expression. Néanmoins, il n'est pas encore capable de la remplacer par quelque chose d'aussi marquant. Il se promène sur le chemin qui l'amènera sûrement à renouer avec le succès mais en l'état on ne peut réellement voir en 22, A Million qu'une transition et l'apport de trois ou quatre nouvelles compositions de choix.
Discographie :
For Emma, Forever Ago (2007)
Bon Iver, Bon Iver (2011)
22, A Million (2016)
Tracklist de 22, A Million (en gras les morceaux essentiels) :
1. 22 (OVER S∞∞N)
2. 10 d E A T h b R E a s T ⚄ ⚄
3. 715 - CRΣΣKS
4. 33 “GOD”
5. 29 #Strafford APTS
6. 666 ʇ
7. 21 M♢♢N WATER
8. 8 (circle)
9. ____45_____
10. 00000 Million
Bon Iver – 22, A Million
Jagjaguwar
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