Horizon – Détroit

Voilà enfin le retour tant attendu de Bertrand Cantat. Après quelques collaborations remarquées, notamment en 2011 avec Shaka Ponk sur Palabra mi amor et en 2012 sur l’album Folilia d’Amadou et Mariam et Foule Monstre d’Eiffel, c’est avec le duo Détroit, formé avec le bassiste et contrebassiste Pascal Humbert qu’il fait son come back avec Horizon, leur premier album sorti le 18 novembre dernier.

Certes, il y a un avant et un après, cet album en témoigne. Si les chants les plus désespérés sont les chants les plus beaux, cet opus en est l’illustration même et Bertrand Cantat sublime les paroles de sa voix profonde, moins harangueur qu’avant, plus grave dans tous les sens du terme. Indéniablement, on sent qu’une partie de la puissance vocale qu’on lui connaît est absente ou du moins enfouie, la façon de chanter moins mordante, plus traînante et c’est cette tristesse vocale, loin de desservir l’ensemble, qui ajoute à la beauté des textes.

Horizon nous livre des titres forts, moins alambiqués qu’à l’accoutumée, au sens plus évident. Les guitares bien que présentes et bien « rock » sur certains morceaux, se font plus discrètes, moins offensives, laissant place aux mots empreints des évènements que l’on connaît. Cantat ici s’exprime sur les tragédies qu’il a traversées avec amour et noirceur « Tu sais maintenant du côté de ce monde on étouffe » «Notre cœur en dissection dans leur panier à ordures » (Ange de Désolation), « Quand l’amour revient à la poussière » (Droit dans le Soleil). Le titre Terre Brûlante, dont le timbre de voix n’est pas sans rappeler celui de l’excellent album « Nous n’avons fait que fuir » enregistré en 2002 avec Noir Désir, est une route sombre et dévastée et la reprise d’ Avec le Temps de Léo Ferré, servie par une musique peut-être un peu trop «techno » à mon goût soit dit en passant, prend un tout autre sens.

Bertrand Cantat, dans cet album qui comporte deux titres en anglais, affiche un amour cristallisé par le drame bien présent en filigrane tout au long des 12 titres. Il sait que beaucoup le lui contestent, tout comme lui est reprochée sa place au sein de la société, de la scène « au milieu de la tempête et de l’agitation » (Glimmer in your eyes), Ai-je une place ? (Nul land Void).

Sa résilience est dans sa musique. Quant à nous, fans de la première heure, si l’homme pressé est désormais un homme brisé, Détroit et Horizon nous rassurent sur un point : le génie de Cantat est demeuré intact.
 
Horizon – Détroit (Barclay-Universal Music)