Quand on repense à la fin des années 60 et au début des seventies, il n'était pas rare que des artistes sortent de la nouvelle musique dans des intervalles très courts, parfois quelques mois. En 2015, lorsque Beach House annonça un nouvel album tandis que le duo était toujours en pleine promotion de Depression Cherry, publié à la rentrée, tout le monde s'est remémoré cette lointaine époque bénie de créativité. Comme nous n'avions pas eu le temps de vous parler du très bon Depression Cherry, nous faisons d'une pierre deux coups et vous présentons le fameux album doté d'une pochette en velours cramoisie en même temps que son surprenant successeur Thank Your Lucky Stars.
Teen Dream et Bloom ont placé à juste titre Beach House parmi les chouchous de la presse spécialisée. Sa dream pop s'est affinée avec le temps et le duo peut à présent penser à la faire évoluer. Toutefois, à l'écoute de Depression Cherry, il semblerait que le groupe soit plus à l'aise avec le recyclage de ses idées passées. A quelques exceptions près, on a surtout l'impression d'entendre la même musique avec une nouvelle ambiance vocale. L'attention se porte d'ailleurs davantage que par le passé sur la voix endormie de Victoria Legrand. La nièce de Michel Legrand laisse les arrangements sinon se simplifier tout du moins perdre en densité. Le tout sonne certes plus élégant mais manque de profondeur.
Sur ce disque, la simplicité recherchée ne paraît pas systématiquement voulue mais plutôt subie par un manque de consistance des idées. Sparks est un morceau remarquable, pourtant à de multiples reprises Beach House rate l'occasion d'en faire un classique. Le disque compile bon nombres de réussites mais toutes avaient déjà été présentées d'une certaine façon sur Bloom. On reste déçu que ce ne soit pas mieux, que tout ne soit pas comparable à Space Song où chaque articulation fonctionne à la perfection, voire Days Of Candy (un genre d'hymne national dans lequel aurait été impliqué Brian Wilson) et Levitation.
Thank Your Lucky Stars arrive dans le sillage de Depression Cherry mais il ne faut pas y voir son petit frère ou un quelconque pendant. Ce disque a son univers et son positionnement propres. Pas de traces de faces B ici et donc, même s'il est un peu en dessous du niveau de Depression Cherry, on ne sortira pas la remarque tarte à la crème : « ils auraient mieux fait de compiler les meilleures chansons de chaque album pour en faire un seul de meilleure qualité ». L'ambiance se fait plus abattue, contrairement à ce que les appellations respectives auraient pu laisser croire. Seuls Majorette et Somewhere Tonight n'auraient pas juré sur Depression Cherry. Majorette, en particulier, excelle dans une veine de bonne humeur céleste.
Sur les sept autres pistes, Beach House broie du noir à mesure que se tissent les mélodies électroniques et les arpèges remplis de reverb. Un doute sur l'état d'esprit ? Essayez d'écouter Elegy To The Void. Un groupe de doom n'aurait pas fait mieux pour saper le moral. Heureusement, derrière des motifs tristes pointent toujours une forme d'espoir. Celle-ci prend généralement vie grâce aux guitares d'Alex Scally et leurs textures immatérielles.
Au final, ces deux albums sont étonnamment complémentaires : le premier solidifie les qualités déjà connues tandis que le second extrapole un son devenu quelque peu automatique. Beach House, en plus de réaliser un joli coup marketing, s'assure ainsi de contenter tout le monde et laisse définitivement derrière ses ambitions de groupe indé pour jouer avec les grosses cylindrées.
Line-up :
Victoria Legrand (chant+claviers)
Alex Scally (instruments+chœurs)
Discographie :
Beach House (2006)
Devotion (2008)
Teen Dream (2010)
Bloom (2012)
Depression Cherry (2015)
Thank Your Lucky Stars (2015)
Site du groupe :
www.beachhousebaltimore.com
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