Ah... Adrien Collet, quel qualificatif pourrait en un mot le définir au mieux ? Parce que luthier, oui d'accord mais au-delà de son métier, c'est tout une philosophie de vie qu'il met dans ses fabrications et réciproquement toute la guitare qu'il met dans sa vie et ses actions, surtout au service des autres et particulièrement des plus démunis. Ce jeune luthier au coeur "grand comme un bus anglais" (pour l'impériale, vous l'aurez compris !), en plus de fabriquer de superbes guitares a fait de sa passion pour cet instrument un sésame qui abat bien des barrières et des préjugés. On ne peut que vous recommander d'aller à sa rencontre, histoire, en plus de se régaler les yeux et les oreilles, de prendre une grande bouffée d'humanité. Et ça fait un bien fou !

Peux-tu te présenter et nous expliquer comment est née Adrien Collet Luthier ?
Comme on peut le deviner je m'appelle Adrien Collet. Je suis luthier spécialisé dans la conception et la fabrication de guitare folk et archtop.
La naissance de l'atelier est le résultat de persévérance et d'engagement pour ma première passion, la musique, la guitare.

Quel est ton parcours professionnel / technique et ce qui t’a amené à cette activité ?
Avant tout j'ai commencé la guitare à 13 ans, et depuis j'en suis passionné. Une sorte d'obsession qui m'a porté, pour arriver maintenant, à concevoir et fabriquer les guitares que j'aurai toujours aimé avoir.

De 20 à 24 ans, j'ai pas mal voyagé et lors d'un passage de 5 mois au Togo, j'ai rencontré un luthier. Nous avons fabriqué ensemble deux instruments traditionnels : un N'goni et un balafon. Avec peu d'outils, faire de si beaux instruments de musique m'a motivé à continuer dans cette direction.

J'ai ensuite fabriqué par mes propres moyens dans le garage de mes parents. Puis je suis parti en Angleterre dans une école reconnue, spécialisée en lutherie, l'Instrument Making School de Newark-on-Trent. Après ces deux années de formation intensive de qualité, je suis sorti major de ma promotion avec le prix du meilleur instrument.
De retour en France j'ai monté un atelier dans mon appartement pour fabriquer et continuer à mettre au point mes modèles de guitares pendant plusieurs années.

Aujourd'hui j'ai un atelier dans le 14ème arrondissement de Paris.
Je continue à partager des informations et des conseils avec mes confrères luthiers tels que Richard Baudry, Franck Cheval ou Alain Quéguiner.

Quelles sont tes influences musicales ?
Elles sont larges et métissées. Ca va du rock psychédélique des années 70 au jazz New Orleans, en passant par la soul et la musique africaine.
 
Quelle a été la première guitare que tu as possédée ?
Aprés 3 mois de cours, mon prof m'avais proposé une occasion, une Fender Mexicaine style Clapton. Depuis, elle est le témoin discret de nombreuses heures d'énergie musicale. Encore aujourd'hui elle m'accompagne sur scène.

Et celle que tu as fabriquée ?
Bon, j'étais jeune, avec très peu d'outils mais beaucoup de motivation. J'avais fabriqué une guitare électrique dans une lunette de toilette en bois (neuve!). Ca donnait un style année 70 et une forme intéressante de loin...

Quelle est la particularité, la valeur ajoutée de tes fabrications ?
Lors de mon passage en Angleterre, j'ai côtoyé durant une année des luthiers violoncelle. Mon modèle de guitare Archtop a été conçu pour combiner les atouts de la lutherie violon et de la lutherie guitare. La technique de sculpture des voûtes pour les violons est plus élaborée et harmonieuse pour obtenir une rigidité optimale.
Je travaille beaucoup sur l'harmonie des courbes et sur un design fin et élégant qui met en valeur la nature du bois.
La sélection de bois d'excellence, l'élégance des courbes, l'optimisation de chaque joint de collage sont des critères primordiaux pour moi.

Je dessine avec soin mes barrages, et travaille les épaisseurs pour trouver le fin équilibre entre flexibilité et rigidité. Pour un seul but, le son, la guitare la plus ouverte possible.

Avant tout, ton travail tente de toucher quel public ? Musiciens amateurs, confirmés ou pro ?
Je travaille essentiellement avec des guitaristes professionnels et des professeurs de guitare.
Je m'occupe régulièrement de l'entretien des guitares de Romain Pilon, Benoit Dorémus, Natalia Doco, Shai Sebbag...
Lors de tournées mondiales, certains musiciens ont eu des pépins avec leurs guitares, c'est ainsi que j'ai réparé les guitares de Pasquale Grasso, Charlie Winston, Pedro Martins (guitariste de Kurt Rosenwinkel)...

Tu viens de sortir un tout dernier modèle de guitare folk en épicéa, quelle est la particularité de cette guitare ?
Le joint du manche avec le corps de la guitare se trouve à la 13eme frette.
En effet, je dessine d'abord les barrages intérieurs, avant tout pour optimiser le son. J'en déduis ensuite le placement idéal du chevalet. Ainsi, la jointure du manche se trouve à la 13eme frette, mais le chevalet se trouve à un bien meilleur emplacement pour la diffusion des vibrations.

Le guitariste lambda est souvent freiné par le prix des produits élaborés par les artisans. Que pourrais-tu dire pour défendre le coût de fabrication de tes guitares ?
Commander une guitare de luthier c'est surtout une rencontre, avec l’atelier, les bois, les outils et le luthier.
Les musiciens qui me commandent une guitare passent souvent à l'atelier pour voir l'évolution de leur instrument. Je fabrique chaque instrument avec énormément d'attention, toute ma passion et ce que j'ai dans le ventre pour créer une guitare unique, un instrument qui a du sens.

Les machines industrielles font une seul épaisseur standard sur toute la surface des tables d'harmonie. Or à la main, je peux optimiser avec finesse les épaisseurs pour augmenter la réponse de la table d'harmonie.
Je me déplace chez les meilleurs fournisseurs d'Europe, et j'y passe plusieurs jours. Il faut du temps pour sélectionner précisément, et suivant de nombreux critères, chaque morceau de bois pour arriver à du bois d'excellence.
L'objectif de l'industriel est la chaîne de production, alors que pour moi l'objectif premier est le son.

Tu as établi ton atelier au sein de l’association « Le grands Voisins » qui occupait temporairement (jusqu’à la fin décembre je crois) l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14eme et qui a pour mission l’insertion de personnes démunies. Tu t’es beaucoup investi dans les actions mises en œuvre, comment as-tu allié guitare et actions solidaires ?
Les Grands Voisins c'est comme un petit village dans le 14eme arrondissement de Paris : un espace de vie et de travail pour 600 personnes en hébergement d'urgence et 600 associations, artistes et artisans. Une cohabitation atypique dont l’ambition centrale est la création de projets communs. J'aurai encore mon atelier là-bas jusqu'en juin 2020.

Depuis deux années je donne des cours de guitare bénévolement. De cette façon, 12 personnes des foyers se sont initiées à la guitare sur des instruments confiés par une association.
Ainsi Isaac a bien accroché et s'est mis à bien chanter. Naît alors la folle idée de créer un groupe de musique pour les résidents des foyers. J'ai alors monté un studio avec de la mousse de récup et des répétitions hebdomadaires ont commencé.

Avec des musiciens des Grands Voisins venus de tous horizons, tu as monté le groupe KaceKode qui vient de sortir un album, dis-nous tout sur cette belle aventure !
Au fil des multiples rencontres, la nuit, le jour, un groupe improbable est né. Nous sommes maintenant 11 musiciens. On mélange les cultures, les influences, ça va du coupé-decalé au rock, en passant par le reggae sénégalais. On a donné cinq concerts avec un public plus qu'enthousiaste et enregistré un album de 18 chansons dont 7 compositions.
La musique dans les tripes nous rassemble, riches de nos différences. Pas de toit mais de la voix !

Quels sont les problèmes majeurs que tu as rencontrés ou que tu rencontres encore depuis le lancement de ton activité ?
A Paris le gros problème c'est l'espace. Il faut optimiser les rangements et s'organiser de manière rigoureuse pour fabriquer dans de petits ateliers.

Penses-tu que d’une manière générale la presse et les pouvoirs publics s'intéressent suffisamment à l'artisanat ?
De manière générale je ressens un retour vers l'artisanat, ça va dans le bon sens. C'est surtout à chacun de nous de s'y intéresser. Consommer avec plus de sens, de manière locale et durable.

Le mot de la fin, ton message à la communauté de Gcom ? 
Bonne musique !!!

                Shai Sebbag jouant sur sa guitare Adrien Collet.

Liens
Le site Internet d'Adrien
Page FB Adrien Collet
L'album de KaceKode est disponible à la Ressourcerie des Grands Voisins

Cette rubrique est destinée à mieux faire connaître les artisans présents en Topic Pro dans nos forums. Si vous souhaitez plus d'infos sur ce service pour vous aussi être présenté en [Pleins Feux sur], écrivez à Caroline à l’adresse caroline[@]guitariste.com (retirez les crochets).

[Pleins Feux Sur] Adrien Collet, luthier